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David Belliard répond à Henri Peña-Ruiz : « La laïcité fait partie de l’écologie politique »

David Belliard - Groupe écologiste de Paris

David Belliard, Maire Adjoint écologiste en charge de la transformation de l’espace public, des transports et mobilités a répondu au philosophe Henri Peña-Ruiz, chroniqueur à Marianne, qui l’avait invité à débattre suite à ses déclaration sur Sud Radio sur les Etats généraux de la laïcité.

Cher Monsieur,

Tout d’abord permettez-moi de vous remercier d’avoir pris la peine d’exposer votre point de vue à la suite de mes déclarations dans la matinale de Sud Radio du 20 avril dernier sur les États généraux de la laïcité, vous remercier aussi de faire cette proposition de débat entre nous.

J’ai en effet déclaré que les États généraux de la laïcité ressemblaient « à une assemblée générale du Rassemblement national » (RN). Si vous aviez pris le temps d’écouter l’ensemble de l’intervention sur ce sujet, j’y explicitais ma position sur cette démarche. Ces États généraux organisés par le gouvernement présentent deux faiblesses majeures, qui à mon sens les disqualifient : d’abord, ils interviennent après le vote de la loi « confortant le respect des principes de la République et de lutte contre le séparatisme », qui était pourtant le débouché politique naturel d’un travail intellectuel sur la laïcité. Ce choix d’agenda de la ministre montre bien qu’elle n’entend pas réellement modifier la loi et y changer quoi que ce soit. Quel est l’intérêt de débattre une fois la décision prise ? Ce n’est pas ma conception de la concertation ni de la démocratie.

LA LAÏCITÉ EST UN BIEN COMMUN

Ensuite, ces États généraux font l’impasse sur une grande partie de celles et ceux qui, aujourd’hui, contribuent aux débats sur la laïcité et son application effective. Pourquoi ainsi ne pas avoir donné la parole à Jean-Louis Bianco et Nicolas Cadène, qui ont dirigé l’Observatoire de la laïcité qui, signe des temps sans doute, vient d’être fermé ? De quelles idées si dérangeantes sont-ils les porteurs pour être ainsi réduits au silence ? La laïcité n’est pas la propriété d’une poignée d’intellectuels et d’éditorialistes habitués des plateaux télé : elle est un bien commun de la République.

Ce n’est manifestement pas l’état d’esprit de la ministre en charge de son organisation, qui a fait le choix de l’exclusion, de l’anathème et de la mise au ban. Elle a même placé ces États généraux en opposition au mouvement politique auquel j’appartiens, en l’occurrence Europe Écologie-Les Verts, accusé d’« islamo-gauchisme », nouveau qualificatif totem visant à calomnier et à écraser toute critique et toute pensée alternative. Un vieux procédé qui n’a pas laissé de bons souvenirs dans l’Histoire. Lors des débats sur la loi de 1905, déjà, les opposants de Jean Jaurès le qualifiaient de « socialo-papalin », tandis que le qualificatif « judéo-bolchévique » était destiné à balayer et à stigmatiser dans les années 1930 tous les opposants de gauche.

CONFUSION

Ces critiques sur ces États généraux, je ne suis pas le seul à les formuler. Même si j’omets les mots virulents du président de la République lui-même à l’égard de l’initiative de sa ministre, je retiendrai surtout ceux d’associations, syndicats ou d’intellectuels de renom, dont l’attachement à la laïcité est incontestable, comme la Ligue des Droits de l’Homme, la CFDT ou encore Patrick Weil ou Jean Baubérot, qui ont refusé d’y participer.

Tous ont dénoncé une opération destinée avant tout à cliver, opposer, stigmatiser et au final instrumentaliser la laïcité au profit d’un projet électoraliste que le Rassemblement national, oui, aurait pu faire sien. En contribuant à ce dispositif, cher Henri Peña-Ruiz, vous participez à cautionner cette idée selon laquelle le principe de laïcité clive et sépare la communauté nationale de manière irréconciliable, là où Aristide Briand, au moment des débats sur la loi puis lors de sa mission comme ministre des Cultes, était parvenu à trouver les voies de la réconciliation et du consensus.

Mais au fond, vous savez déjà tout cela, puisque dans votre texte, vous alimentez une confusion qui superpose ma critique des États généraux de la laïcité avec l’insinuation d’une prétendue défiance ou ambiguïté avec la laïcité elle-même. En un mot, sciemment ou non, vous confondez la forme et le fond.

Car non, critiquer les États généraux de la laïcité de Marlène Schiappa, ce n’est pas critiquer la loi de 1905 d’Aristide Briand et de Jean Jaurès, ce n’est évidemment pas remettre en question la laïcité comme principe fondamental de notre République. D’ailleurs, comme tous mes camarades écologistes, j’ai un profond attachement pour les principes de laïcité tels qu’édictés dans cette belle et magnifique loi de 1905. Par son minutieux et précieux équilibre, elle constitue un socle fondamental d’émancipation individuelle, de liberté de croyances et de non-croyances, un lieu de protection qui allie l’idéal d’universalisme républicain avec la prise en considération des singularités individuelles.

RETROUVER L’ESPRIT DE LA LOI DE 1905

Pour toutes ces raisons, cette loi fait partie intégrante du corpus de l’écologie politique. C’est précisément pour cela d’ailleurs que je ne supporte pas que certains, sous prétexte de l’invoquer, la dévoient et en font trop souvent un outil de disqualification de leurs opposants ou, pire, de stigmatisation d’une religion ou d’un groupe en particulier. Aujourd’hui, la laïcité sert malheureusement trop souvent de paravent de vertu républicaine pour pointer du doigt nos concitoyennes et concitoyens de confession musulmane, contribuant ainsi à alimenter un climat propice aux discriminations dont elles et ils sont victimes.

J’ai la conviction que nous ne parviendrons à répondre aux grands défis auxquels notre modèle républicain, laïc et social est aujourd’hui confronté, avec la montée de l’islamisme radical, que si nous parvenons à retrouver l’esprit de la loi de séparation des Églises et de l’État, qui inclut absolument toutes les citoyennes et tous les citoyens et les respecte dans leur croyance et leur identité, et qui, dans le même temps, sanctionne sévèrement celles et ceux qui, au nom d’une religion, heurtent, provoquent et cherchent à déstabiliser la République.

LA LAÏCITÉ SEULE NE SUFFIT PAS

Toutefois, est-ce à dire qu’il ne faut rien changer ? Non, bien sûr, le danger que constitue l’islamisme radical en est la première des manifestations, et à ce titre, la disposition prévue par la loi relative au contrôle de la provenance des fonds destinés à financer les associations est une bonne chose. Mais vous en conviendrez avec moi, face à la menace du terrorisme islamiste, la laïcité seule risque de rester fort impuissante.

Renforcer les moyens affectés à nos capacités d’investigations et d’actions ou encore améliorer les coopérations entre les services européens, tout cela sera autrement plus efficace pour mieux repérer et lutter contre les réseaux terroristes. Tout comme réinvestir massivement dans les quartiers populaires, et offrir à celles et ceux qui aujourd’hui se sentent exclus – bien souvent à juste titre – de la République les ressources et les capacités, pour reprendre Amartya Sen, de dessiner le chemin de leur propre émancipation. Car la laïcité ne peut se penser indépendamment des trois autres valeurs fondamentales de notre République que sont l’égalité, la liberté et la fraternité.

MOBILISATION DES SINGULARITÉS ET UNIVERSALISME

Enfin, nous aurons sans doute lors de ce débat que vous appelez de vos vœux, à échanger sur d’autres enjeux auxquels nous avons aujourd’hui à faire face, comme l’avenir du concordat en Alsace-Lorraine, l’énorme défiance des jeunes vis-à-vis de la laïcité ou encore la montée des discriminations dont sont victimes nos compatriotes de confession musulmane, mais aussi juive, avec l’explosion des actes antisémites… Pour tout cela, il nous faut trouver collectivement des solutions, dans le texte, mais d’abord et surtout dans nos pratiques.

« La laïcité absolue n’existe pas », rappelait à juste titre Jean Baubérot. Du financement public ponctuel d’églises dans les années 1930 en Île-de-France (comme cela avait été fait, là encore de manière parfaitement dérogatoire, pour la mosquée de Paris en 1926), en passant par les menus cashers et halals servis dans les cantines de l’Armée française pour nos militaires, l’application de la loi est aussi empreinte de pragmatisme. Et fort heureusement ! C’est aussi ce pragmatisme qui nous permettra de faire vivre une société laïque, forte, inclusive et tolérante.

Nous aurons, j’en suis certain, l’occasion de développer ces points dans notre prochain échange, et nous en profiterons aussi pour revenir ensemble sur le raccourci que vous faites entre la loi de 1905 et l’émancipation par l’égalité des droits des populations LGBT+. Je me permets de vous rappeler que cette dernière n’interviendra au final que plus d’un siècle après la fameuse loi, sans être d’ailleurs achevée.

Elle est avant tout la résultante de la mobilisation de collectifs et de mouvements sociaux, d’ailleurs taxés à l’époque – quelle ironie ! – de communautaristes. Un bel exemple de la manière dont ce qu’on pourrait nommer « la mobilisation des singularités » a permis de nous rapprocher de l’universalisme républicain auquel vous comme moi, nous sommes profondément attachés.

Texte publié dans Marianne le 5 mai 2021.

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