Hommage à Raphaël Esrail

Madame la Maire, chers collègues,

Avec la disparition de Raphaël Esrail, c’est un des derniers grands témoins de la Résistance et du génocide des Juifs d’Europe qui vient de nous quitter et auquel nous rendons hommage aujourd’hui au sein de cette assemblée. 

Arrêté par la milice fasciste du Parti populaire français en janvier 1944, du fait de son activité de résistant, il est emmené au siège de la Gestapo à Lyon, torturé, puis transféré au camp d’internement de Drancy, avant d’être déporté au camp d’Auschwitz-Birkenau parce que Juif. Libéré du camp de Dachau le 1er mai 1945, par l’armée américaine, après une terrible marche vers la mort, dont il faillit ne pas survivre, Esrail fait partie des 75 721 Juifs et Juives déportés de France avec la complicité du Régime de Vichy. Seuls 2 566 ont survécu à l’enfer de l’univers concentrationnaire nazi, à cette expérience de déshumanisation et d’anéantissement totale, qui est née au coeur d’une société européenne rongée par le poison de l’antisémitisme, du racisme et de la haine de l’Autre.

Au retour des camps, à l’instar de nombreux déportés, Raphaël Esrail a dans un premier temps cherché à “couper avec le passé des camps”. La reconstruction fut douloureuse pour lui, et pour son épouse Liliane,  qu’il avait rencontrée à Drancy et dont les petits frères avaient été gazés à leur arrivée au camp d’Auschwitz-Birkenau. Car il ne suffisait pas d’avoir survécu aux camps pour en être libéré et pouvoir faire le récit de l’indicible, surtout à une époque où la société française refusait d’entendre le récit des déportés juifs. Ainsi, comme de nombreux survivantes et survivants de la Shoah, Raphaël Esrail a vécu plusieurs décennies enfermé dans un silence pesant et dans la mémoire quotidienne et insoutenable des souffrances qu’il avait vécu.  

Ce n’est qu’en 1978, quand la presse française commence à publier des thèses négationistes et révisionnistes niant la réalité du génocide des Juifs d’Europe et la responsabilité de l’Etat français qu’il décide de briser cette chape de silence pour témoigner. 

A l’Union des déportés d’Auschwitz, dont il prend la présidence en 2008, Raphaël Esrail a poursuivi inlassablement et avec détermination ce travail nécessaire et essentiel de transmission du savoir et de la mémoire de la Shoah. Il comprend immédiatement que ce combat doit s’appuyer sur les enseignants afin de permettre à l’histoire d’entrer de plein pied dans les classes : “Comment peut-on comprendre et faire comprendre que l’extermination d’un peuple entier ait pu ainsi être décidée, planifiée, puis mise en œuvre ? C’est cette inhumaine humanité, cet impensable pourtant pensé, que nos témoignages permettent d’approcher. Que disent-ils ? Que nous sommes revenus d’un autre monde possible, construit sur le triptyque nazi “Race, Hiérarchie, Dictature”, dont l’énergie était la négation, la violence et la mort.”, écrivait-il dans son autobiographie en 2017.

En 2022, alors que les discours et les actes antisémites rongent de nouveau la société française, que le racisme, la xénophobie et la haine de l’autre s’expriment ouvertement et quotidiennement dans les médias et sur les réseaux sociaux, qu’un candidat à l’élection présidentielle tient ouvertement des propos révisionnistes sur la responsabilité de Pétain et du Régime de Vichy dans la déportation et l’extermination de dizaines de milliers d’enfants, de femmes et d’hommes juifs, il nous incombe de poursuivre le combat de Raphael Esrail et des survivants de la Shoah afin de lutter contre les crispations identitaires, les divisions et les discours de haine raciales. Plus que jamais, nous devons sensibiliser les jeunes et les moins jeunes aux causes de ce génocide. Il y a près d’un siècle, l’antisémitisme, la haine, le rejet des étrangers, l’abandon des droits humains conduisirent la France et l’Europe dans un cercle infernal de violence, de crimes contre l’humanité et de meurtres de masse. Des millions d’enfants, de femmes et d’hommes furent anéantis avec une sauvagerie et une cruauté inouïe. Aujourd’hui, le spectre de la haine raciale et xénophobe menace de nouveau les valeurs humanistes de la civilisation européenne. Or, si nous voulons construire un avenir commun, fondé sur le respect de la dignité humaine, la liberté, la justice sociale, nous devons non seulement tirer toutes les leçons de cette période afin de ne pas répéter les crimes du passé, mais surtout agir avec détermination pour faire respecter les droits humains de toutes et tous.

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