Participation générale à l’effort de sobriété : exposé des motifs

2022 10 Ecran pub - Post Facebook et Twitter (1)

Interdiction temporaire de l’usage énergétique à des fins publicitaires sur les dispositifs d’affichage dans l’espace public, dans les réseaux de transports en commun et dans les vitrines et façades commerciales et d’activités économiques

EXPOSÉ DES MOTIFS

La crise énergétique que nous traversons, succédant à une crise sanitaire aux impacts majeurs, nous rappelle encore une fois à repenser notre modèle économique et sociétal fondé sur une croissance éternelle et une énergie bon marché.  Le prix du mégawattheure (MWh) a été multiplié par 12 en un an, entre août 2021 et août 2022. Cette tendance s’est par ailleurs accentuée en raison de la guerre en Ukraine, des phénomènes de spéculation sur le marché international de l’énergie ainsi que des lacunes du gouvernement qui n’a pas su anticiper l’obsolescence du parc nucléaire et organiser l’indispensable transition vers les énergies renouvelables. Ainsi, nous devons nous préparer à faire des choix difficiles.

Face à cette crise sans précédent et au risque de pénurie, la Ville de Paris s’engage à travers le plan de sobriété énergétique présenté à ce Conseil de Paris d’octobre 2022. À l’instar des objectifs nationaux, la Ville de Paris s’engage à réduire de 10% sa consommation énergétique en un an : un effort considérable mais nécessaire, qui nous permettra d’accélérer la transition écologique de notre territoire. Dans ce cadre, elle a notamment réduit l’éclairage ornemental du patrimoine municipal.

Parmi les mesures nécessaires de ce plan de sobriété énergétique, nous pouvons ajouter toutefois à travers cette délibération des objectifs en matière d’économies d’énergies sur les dispositifs publicitaires lumineux ou numériques, très énergivores, qui ont pignon sur (et sous) rue dans la capitale.

Gaspillage énergétique et impact environnemental des dispositifs publicitaires

Les panneaux publicitaires lumineux, éclairés par projection ou numériques constituent dans une certaine mesure un gaspillage énergétique à questionner. Cela est par ailleurs de moins en moins tolérée par les Parisiennes et les Parisiens à l’heure où le Gouvernement leur demande des efforts individuels afin de limiter leur consommation d’électricité et où l’augmentation des tarifs va plonger davantage de foyers modestes dans la précarité énergétique.

Les écrans numériques déployés massivement dans les vitrines, les gares et le métro parisiens sont des dispositifs particulièrement énergivores. Un panneau numérique de deux mètres carrés (2m2) consomme au minimum 2000 KWh par an, soit l’équivalent de la consommation annuelle d’un ménage avec un enfant. En 2019, le Réseau de Transport Electrique (RTE) qualifiait ces dispositifs publicitaires numériques de “superflus” et “non prioritaires” et recommandait de les éteindre lors des pics de consommation hivernaux. Dans le rapport Futurs énergétiques 2050 présenté en février 2022, RTE qualifiait la disparition progressive des écrans publicitaires de gisement d’économie d’énergie nécessaire afin d‘atteindre la neutralité carbone en 2050.

Ce rapport pointe également le développement de ces dispositifs dont le nombre augmente de 20% chaque année. On compte environ 9 000 écrans numériques publicitaires en France et on estime que 3 000 d’entre eux se trouvent dans les vitrines parisiennes. Les messages publicitaires diffusés sur ces écrans n’ont, pour la majorité d’entre eux, aucun lien avec l’activité exercée dans ces commerces et sont le fruit de contrats passés entre les commerçants et certains annonceurs.

Ces dispositifs détournent le Règlement Local de Publicité parisien (RLP) qui interdit la publicité numérique dans l’espace public en émettant depuis les vitrines vers la rue. Depuis la loi Climat et Résilience, les maires ont la possibilité d’encadrer et de réglementer les écrans publicitaires situés dans les vitrines à travers leur RLP. Si une refonte du RLP apparaît aujourd’hui nécessaire, le long processus de concertation et d’élaboration ne nous permettra pas d’aboutir avant plusieurs années alors qu’il faut nous préparer aux pénuries pour l’hiver à venir.

La Ville de Paris a par ailleurs conclu en 2019 un contrat de concession de service relatif à la fourniture, la pose et l’exploitation des Mobiliers Urbains d’Informations (MUI) à caractère général ou local supportant de la publicité avec la société Clear Channel. Ce contrat court jusqu’à septembre 2024, au lendemain des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024. Ces 1 630 dispositifs de 2m2 répartis sur l’ensemble du territoire diffusent pour moitié de l’information municipale et pour autre moitié de la publicité. La redevance perçue par la Ville au titre de ce contrat s’élève à 34 millions d’euros minimum par an.

Les MUI, dont la plupart sont branchés sur le réseau électrique de la Ville, proposent de l’affichage d’informations liées aux services publics et publicitaire rétro éclairé la nuit. Leur éclairage la nuit doit être questionnée dans ce contexte de tension et d’explosion des prix de l’énergie.

D’autres dispositifs publicitaires ont par ailleurs envahi les abribus et les couloirs du métro parisien ainsi que les gares et les aéroports.

Au-delà de la consommation énergétique d’usage, les panneaux publicitaires numériques ont un impact environnemental très fort lié à leur cycle de production. Dans une fiche de synthèse d’évaluation environnementale publiée en 2020, l’ADEME estimait qu’un écran publicitaire numérique émettait 245 kilos d’équivalent CO2 par année d’utilisation, en prenant compte toutes les étapes de son cycle de vie estimé à 10 ans. Ces dispositifs nécessitent de nombreuses matières premières dont l’extraction et le raffinage portent gravement atteinte à l’environnement. Le rapport précise également “quau bout de dix ans d’utilisation, chaque panneau aura consommé 20 477 kWh”, ce qui équivaut à la consommation énergétique de 4 foyers français. La multiplication de ces écrans dans les vitrines parisiennes est donc contraire aux objectifs de sobriété énergétique et de réduction de l’empreinte carbone poursuivis dans le Plan Climat de la ville.

Si, à elle seule, la gabegie énergétique que représentent les panneaux numériques ou lumineux de publicité suffirait à justifier leur extinction, bien d’autres raisons peuvent être invoquées à l’appui d’une telle mesure. 

Encombrement de la ville

Les dispositifs publicitaires implantés sur l’espace public viennent s’ajouter aux mobiliers urbains et aux mobiliers de signalisation déjà présents. Les problématiques liées à la densité ainsi qu’à un espace public parfois surchargé appellent donc à la vigilance    à Paris. Si le contrat avec Clear Channel stipule que les 1 630 MUI ne doivent en aucun cas entraver les cheminements piétons, plusieurs implantations problématiques ont été constatées, en partie toutefois depuis résolues en lien avec les Mairies d’arrondissement. La priorité doit être la fluidité des déplacements piétons et la garantie de passage pour les personnes à mobilité réduite.

Une forte présence de la publicité sur notre territoire peut également parfois constituer une atteinte esthétique à notre patrimoine. Paris est plébiscitée par les touristes du monde entier et fait la fierté de tous les français pour son incomparable beauté et la préservation de son architecture. Les quais de Seine, pourtant classé au patrimoine de l’Unesco, ou les monuments historiques recouverts de bâches publicitaires géantes enlaidissent notre ville. La puissance nécessaire pour éclairer ces bâches géantes la nuit constitue un gaspillage énergétique contraire aux objectifs du plan de sobriété présenté par le gouvernement.  Le décret du 5 octobre interdit de fait le maintien de ces éclairage de nuit.

Pollution lumineuse

La France compte plus de 11 millions de points lumineux pour l’éclairage public et 3,5 millions d’enseignes et panneaux publicitaires allumés la nuit. Cet éclairage nocturne massif a crû de 84% ces 20 dernières années. Les scientifiques et les associations environnementales alertent depuis des décennies sur les impacts de cette pollution lumineuse. Éclairant le ciel étoilé, elle dégrade considérablement les conditions d’observation pour les astronomes et les particuliers. Elle perturbe également les cycles de sommeil en bouleversant l’horloge interne. A cet égard, l’Académie de Médecine a recommandé en juin 2021 “d’inclure la pollution lumineuse dans la liste des agents perturbateurs endocriniens”.

Les impacts de la lumière artificielle sont encore plus massifs sur la biodiversité nocturne. L’éclairage inadapté et inutile perturbe les cycles de reproduction, fragmente les couloirs de migrations et bouleverse les cycles physiologiques de la flore.

L’éclairage de nuit mal calibré ou destiné à la publicité constitue un gaspillage énergétique devenu insupportable, tant pour les finances des collectivités, que pour les parisiens appelés à la sobriété collective. La Ville de Paris a pris la mesure du problème à travers le nouveau contrat d’éclairage public. 44 000 luminaires seront notamment remplacés sur la mandature et une baisse des consommations de 60% sera atteinte en 2030 par rapport à 2004. Une trame nocturne va permettre de compléter les corridors écologiques sur le territoire (trame verte et bleue). Par ailleurs, la ville lutte contre les nuisances lumineuses et contrôle d’ors et déjà l’extinction des éclairages intérieurs de locaux à usages professionnel et des éclairages des vitrines de magasin de commerces ou d’exposition.

Mais dans ce contexte de risque de pénurie, la publicité éclairée de nuit (éclairage de bâches, panneaux numériques, panneaux rétroéclairés, vitrines, enseignes) doit donc être suspendue, ainsi qu’attendu par le décret du gouvernement en date du 5 octobre 2022, mais également au-delà, afin de réaliser des économies d’énergie aujourd’hui nécessaires.

Tel est l’objet de cette délibération : stopper dans le cadre des dispositions règlementaires en vigueur, l’éclairage de ces dispositifs publicitaires sur les plages horaires nocturnes établies dans la délibération associée en accord avec nos objectifs de sobriété énergétique accentués par la crise en cours, mais également avec les objectifs de sobriété sociétale que nous imposent la nécessaire transition écologique face à l’urgence climatique.

La présente délibération fixe les dispositions suivantes :

  1. l’interdiction d’éclairer les supports publicitaires présents sur l’espace public en anticipation du décret du 5 octobre 2022; dans le cadre des contrats existants, qui ne peuvent donc être modifiés unilatéralement, à partir du 1er décembre sur une plage horaire nocturne (entre 1h et 6h du matin pour les panneaux sur les kiosques à journaux et les colonnes Morris et entre 23h45 et 6h pour les autres). L’article 1 prévoit ainsi que la Ville mette en place une réduction de la consommation d’énergie dans les rues pour participer à l’effort de sobriété.
  • le prolongement de cette interdiction concernant la publicité dans les transports en commun avec la possibilité pour la Maire de Paris d’observer tous les leviers à sa disposition afin de veiller à sa mise en œuvre. Sont concernés les panneaux numériques et électriques situés dans les stations de métro, de RER, dans les gares ferroviaires.
  • la mise en œuvre, à l’initiative de la Ville de Paris, de l’interdiction de l’allumage des écrans publicitaires et enseignes, à compter du 1er novembre 2022, qui se trouvent dans les vitrines des commerces ou locaux d’entreprises et associatifs, lorsque ces écrans sont visibles à l’extérieur de ces locaux (depuis la rue ou depuis l’intérieur des bâtiments alentours). Cela concerne également les écrans situés sur les façades extérieures des bâtiments, notamment les établissements culturels ou sportifs.

En outre, l’article 3 prévoit l’extinction quotidienne des enseignes lumineuses et des vitrines à la fermeture des locaux d’activités économiques ou associatives, lorsque leur activité s’arrête et que la dernière personne occupant les locaux quitte les lieux. Cette disposition est en particulier valable la nuit et la journée lorsqu’il n’y a pas d’activité dans les locaux (dimanche, jours fériés, vacances…).

Compte tenu de l’intérêt significatif que présente à de nombreux égards de telles restrictions pour la sobriété de notre territoire et le bien-être de ses habitant·e·s, je vous propose d’approuver l’interdiction temporaire, ou le cas échéant la diminution drastique de l’éclairage des panneaux publicitaires sur les dispositifs d’affichage dans l’espace public, dans les réseaux de transports en commun et dans les vitrines et façades commerciales et d’activités économiques.

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