Considérant que la défense des droits humains et la lutte contre toutes les formes de discrimination, notamment en raison du genre, sont des valeurs fondamentales de la Ville de Paris ;
Considérant que le Conseil des droits de l’homme à l’occasion d’un rapport de 2023, définit l’apartheid sexiste, selon une définition adaptée du statut de Rome, comme suit : « les actes inhumains commis dans le cadre d’un régime institutionnalisé d’oppression systématique et de domination d’un des genres sur tout autre genre ou sur tous les autres genres et dans l’intention de maintenir ce régime » ;
Considérant que depuis 2021, les femmes et les filles afghanes vivent sous un régime répressif qui limite toute participation à la société et restreint drastiquement leur liberté de mouvement et toute possibilité d’émancipation ;
Considérant qu’en 2022, les talibans ont interdit aux filles et aux femmes afghanes d’accéder à l’éducation, aux universités et au monde du travail, privant ainsi plus de 2,5 millions de filles et de femmes de leur droit à l’éducation et de leur travail, les réduisant à une pauvreté et une dépendance extrême ;
Considérant que les femmes afghanes ont été interdites de l’exercice de la médecine alors qu’elles sont les seules à avoir le droit de soigner d’autres femmes, livrant ces dernières à la maladie et à la mort ;
Considérant que les femmes et filles afghanes sont piégées à l’intérieur de l’Afghanistan, interdites d’en sortir sans être accompagnées d’un homme ;
Considérant que les talibans ont annoncé en mars 2024 le retour de la condamnation à mort par lapidation pour les femmes adultères et encouragent les juges à la prononcer ;
Considérant que dans un rapport de mars 2023, la Commission internationale des juristes (ICJ) et Amnesty International ont analysé que ces violations des droits humains à l’encontre des Afghanes pouvaient relever de la qualification de crime contre l’humanité et de persécution de genre ;
Considérant que l’Iran dispose également d’un corpus législatif conservateur reléguant toutes les femmes iraniennes au rang de citoyennes de seconde zone ;
Considérant qu’en Iran, une femme ne peut obtenir un passeport ni voyager sans l’autorisation de son tuteur, c’est-à-dire son père ou son époux ;
Considérant que l’époux a le droit d’empêcher sa femme d’exercer toute profession qui porte atteinte à sa « dignité » ou à celle de sa femme, que le code civil iranien fait du mari le « gardien » de sa femme, qui a besoin de son autorisation même pour quitter le domicile et que l’épouse doit résider dans le logement que le mari détermine pour elle ;
Considérant qu’en Iran la part d’héritage d’une femme représente la moitié de celle d’un homme;
Considérant que le témoignage d’un homme dans les instances judiciaires et devant le tribunal vaut celui de deux femmes ;
Considérant qu’en Iran le viol conjugal ne constitue pas un crime mais qu’au contraire, une femme qui refuse de se soumettre au désir de son mari peut être accusée de “non-obtempération” et traduite en justice ;
Considérant que le mariage des filles avant l’âge de la puberté est autorisé avec l’accord du père ou du grand-père paternel et qu’au printemps 2021, le nombre de mariages de jeunes filles âgées de 10 à 14 ans avait augmenté de 32 % par rapport à l’année précédente ;
Considérant que la loi relative au « rajeunissement de la population », mise en œuvre par l’interdiction et à la criminalisation de l’IVG, et aux sanctions prises à l’encontre des équipes médicales, a entraîné une forte augmentation du nombre d’avortements clandestins ou à risque, mettant en péril la vie des femmes qui, faute de pouvoir s’adresser à l’hôpital ou aux centres médicaux agréés, y recourent dans des conditions précaires ;
Considérant, que le port du voile, obligatoire depuis 1979, est contrôlé quotidiennement par la police des mœurs instaurée en 1981 et donne lieu aujourd’hui à une véritable traque des iraniennes qui se montrent en public sans le voile, occasionnant arrestations, enlèvements, viols en détention, exécutions sommaires… ;
Considérant que le non-port du hidjab islamique est passible en Iran de 74 coups de fouet et que cette sanction a vocation à être aggravée par un nouveau projet de loi “sur la pudeur et le hidjab”;
Considérant que l’assassinat de Mahsa Jina Amini, le 16 septembre 2022, par la police des mœurs iraniennes, pour un voile mal porté, illustre l’oppression meurtrière des femmes mise en place par le régime iranien ;
Considérant que l’assassinat de Jina Mahsa Amini a donné naissance au mouvement de contestation ”Femme, vie, liberté” qu’on pourrait qualifier de révolution féministe ;
Considérant la répression sanglante et arbitraire de ce mouvement ayant causé la mort de plusieurs centaines de personnes, dont des enfants, ainsi que des centaines de blessé·e·s ;
Considérant le placement arbitraire en détention, la torture, les viols des femmes en détention et la condamnation à mort de nombreux.ses Iraniennes et Iraniens et notamment la condamnation à mort du rappeur Toomaj Salehi en raison de leur soutien au mouvement ”Femme, vie, liberté” ;
Considérant que le droit à l’autodétermination et l’émancipation des femmes est une priorité absolue.
Sur proposition de Aminata NIAKATÉ, Raphaëlle RĖMY-LELEU, Corine FAUGERON, Fatoumata KONÉ et des élu·es du groupe Les Écologistes, le Conseil de Paris émet le vœu que la Ville de Paris :
- Condamne la discrimination systématique des femmes inscrites dans les lois et les politiques des régimes tels que ceux d’Iran et d’Afghanistan ;
- Condamne la repression du mouvement ”Femme, vie, liberté” et notamment les condamnations à mort prononcées ;
- Apporte son soutien total et entier aux filles et aux femmes afghanes et iraniennes ;
- Apporte son plein soutien aux mouvements féministes qui plaident pour la reconnaissance internationale de l’apartheid de genre comme un crime contre l’humanité ;
- Soutienne les organisations parisiennes engagées dans la défense des droits des femmes face à des régimes tels que ceux en Afghanistan et en Iran ainsi que les initiatives visant à assurer l’évacuation sécurisée des femmes et des filles ressortissantes de ces pays ;
- Demande au Gouvernement français que le réseau diplomatique français contribue à la mise en sécurité des femmes et des filles afghanes et iraniennes, facilitent les arrivées, le rapatriement des femmes afghanes et iraniennes sur le sol français ;
- Appelle l’Etat français à accorder de façon inconditionnelle l’asile et à minima la protection subsidiaire aux femmes, filles afghanes et à leurs familles et à demander que le dispositif exceptionnel de la protection temporaire créée par la directive 2001/55/CE soit proposé par la Commission européenne au Conseil de l’Union européenne ;
- Accompagne les femmes et les filles afghanes et iraniennes en France, afin de garantir leur accès à l’éducation et faciliter la poursuite des études des femmes afghanes et iranienne en France ;
- Garantisse un accueil digne et un suivi particulier pour les afghanes et les iraniennes réfugiées en France, en accordant une attention particulière à leur besoins de logement, de soins, à leur apprentissage de la langue française et à leur émancipation sur notre territoire.