Voeu relatif au respect des obligations légales, conventionnelles et juridiques de la Ville de Paris en matière de protection de l’enfance pour les publics mineurs non accompagnés (MNA) et familles à la rue

Sans titre

Déposé par Nour DURAND-RAUCHER, Aminata NIAKATÉ, Anne SOUYRIS, Fatoumata KONÉ et les élu·es du groupe Les Écologistes

Considérant que d’après le décompte des associations, entre 500 à 1000 mineurs non accompagnés (MNA) dorment dans les rues de Paris et qu’aucune opération de mise à l’abri par l’Etat n’avait concerné ce public depuis l’action inter-associative sous les fenêtres du Conseil d’Etat en décembre 2022 ;

Considérant le 19 octobre 2023, l’opération de mise à l’abri de 426 réfugié.es, mineurs ou en contestation de majorité, qui campaient pour la plupart depuis le mois de juin dans le parc de Belleville à Paris 20e ;

Considérant que cette opération a laissé à la rue 47 jeunes hommes au minimum sans solution, ainsi que 3 femmes mineures (dont une enceinte) présente ce jour là sur le site, alors même que les associations évoquent le nombre de 50 jeunes femmes non accompagnées à Paris au minimum, toujours en situation d’errance à l’heure actuelle ;

Considérant en outre que seulement 12 jours après leur mise à l’abri une partie des 426 jeunes ont reçu des notifications d’expulsion de la part de la Préfecture, remettant sciemment des mineurs en recours à la rue la veille de la trêve hivernale ;

Considérant le principe de la présomption de minorité établi par le Conseil d’Etat le 1er juillet 2015, selon lequel une personne mineure isolée est présumée comme telle jusqu’à ce que le ou la juge des enfants se prononce, que le département l’ait évaluée durant la période provisoire d’urgence, mineure ou majeure ;

Considérant que ce recours n’a aucun effet immédiat et ne suspend pas la décision de refus de prise en charge du gouvernement, malgré la lenteur et le manque de moyens des tribunaux ; 

Considérant le fait que l’évaluation menée par le département n’est pas infaillible, notamment en raison de sa durée limitée, qui empêche parfois une véritable mise en confiance du jeune en recours, et des difficultés liées à la prise en compte des documents d’état civil à cette étape ;

Considérant que le jeune, qui saisit le juge pour enfants, est considéré comme étant adulte et se retrouve en situation irrégulière, éprouvant d’importantes difficultés à être hébergé en raison de la saturation des dispositifs de droit commun (115 notamment) ;

Considérant le désengagement de l’Etat laissant aux associations la responsabilité de loger et nourrir les jeunes en recours, alors même qu’elles sont en grande difficultés, en témoigne notamment l’arrêt des distributions alimentaires, à destination des MNA en recours, de l’association les Midis du Mie, par manque de moyens ;

Considérant a fortiori qu’en cas de doute sur la minorité, celle-ci doit profiter à l’intéressé.e qui se déclare comme tel.le, principe rappelé à maintes reprises par le Défenseur des droits, que ce soit au titre de son rapport sur les droits des étrangers en France de mai 2016 et du rapport sur les MNA de janvier 2022 ; 

Considérant que l’absence de mise en oeuvre effective de la présomption de minorité a été dénoncée par le Comité des droits de l’enfant des Nations unies dans ses observations adressées à la France le 2 juin 2023, recommandant à la France, afin de respecter pleinement les dispositions de la Convention internationale des droits de l’enfant, d’appliquer le principe de présomption de minorité lors de la procédure d’évaluation de l’âge y compris pendant la procédure judiciaire ; 

Considérant que l’Agence européenne pour l’asile avait aussi précisé dans un guide publié en 2018 que « le bénéfice du doute doit être accordé dès qu’apparaît un doute concernant l’âge déclaré, puis tout au long de la procédure d’évaluation de l’âge et jusqu’à l’obtention de résultats concluants [et] le demandeur devrait être considéré et traité comme un enfant jusqu’à preuve du contraire » ; 

Considérant que l’évaluation, que ce soit via la dispositif DEMIE 75 ou AMNA, avec un accueil inconditionnel, permet à ces personnes se déclarant mineures une mise à l’abri et ainsi un court répit le temps de l’évaluation ; 

Considérant toutefois qu’à l’issue de cette évaluation, deux-tiers des mineurs se déclarant comme tels voient leur statut contesté et se retrouvent à nouveau en situation d’errance et de mise en danger jusqu’ à une éventuelle reconnaissance par le ou la juge des enfants ; 

Considérant que les associations spécialisées dans l’accompagnement des MNA contestant leur minorité évoquent que plus de la moitié des recours finissent par confirmer le statut de minorité ; 

Considérant les articles L131-1 et suivants du Code de l’éducation portant sur l’instruction obligatoire, et l’arrêt du Conseil d’Etat du 24 janvier 2022 portant annulation du refus implicite par le rectorat de sa scolarisation au sein d’un établissement parisien d’un mineur non accompagné en situation de recours contre sa déclaration de majorité par la Ville de Paris ; 

Considérant que la Ville de Paris évalue via le dispositif AMNA plusieurs milliers de MNA par an, 7.500 en 2022 et 6.500 à date en 2023 et qu’ainsi, la Ville de Paris prend en charge au titre de sa compétence de la protection de l’enfance (ASE) près de 4.000 enfants, illustrant qu’en une décennie plus de 60% des jeunes placés sous sa protection sont des publics isolés et demandeurs d’asile, et qu’une telle augmentation n’est pas soutenable sans intervention de l’Etat ; 

Considérant la saturation du dispositif de la Halte humanitaire, et particulièrement depuis quelques mois avec l’arrivée de nombreux MNA en recours, installée dans l’ancienne Mairie du 1er arrondissement par la Ville de Paris avec le soutien de la Mairie de Paris centre, organisant un accueil de jour, initialement à destination des réfugié.es ; 

Considérant la présence, en octobre 2023, parmi les présumés mineurs présents dans le Parc de Belleville, de 30 jeunes femmes, dont certaines enceintes, exposées aux risques propres à leur genre (réseaux de prostitution, violences sexuelles,…) ; 

Considérant la logique kafkaienne dans laquelle sont entrés les services de l’ASE, refusant la mise à l’abri de ces présumés mineurs du fait de l’absence de reconnaissance de leur minorité, et les services de l’Etat, qui refusent de les mettre à l’abri au titre du 115 au motif qu’ils sont présumés mineurs car en recours devant le juge des enfants ;

Considérant le constat de l’augmentation du nombre de familles à la rue, avec des enfants scolarisés dans nos établissements, souvent des femmes seules, enceintes et/ou avec des enfants de moins de 3 ans ; 

Considérant l’article L222-5 du Code de l’action sociale et des familles et la jurisprudence constante du Conseil d’Etat en la matière et notamment la décision en référé du 24 août 2023 rappelant que ce public relève de la compétence départementale de la protection de l’enfance et donc d’une prise en charge au titre de l’ASE, et cela, même si la compétence de l’hébergement d’urgence incombe effectivement à l’Etat ; 

Considérant l’augmentation de près de 50% de ce type de situation entre septembre 2022 (22) et septembre 2023 (36), et qu’entre juin 2023 et octobre 2023 ce sont 336 signalements pour tout Paris identifiés par la Direction des solidarités, alors même et que ce nombre de signalements semble minoré par rapport aux chiffres évoqués par les associations spécialisés dans le suivi de ces publics ; 

Considérant que l’Etat, à la suite de l’introduction de référés libertés, avec le soutien du Barreau de Paris Solidarité et d’un collectif d’avocats pro bono depuis fin 2021 et courant 2022, a été enjoint de mettre à l’abri des familles et public en grande précarité et fait systématiquement appel de ces décisions de mise à l’abri au motif de l’urgence, évoquant par la voix de ses représentants, des situations de détresse pire que celles évoquées et participant ainsi à la mise en concurrence des publics pour l’accès à l’hébergement d’urgence ; 

Considérant la jurisprudence dite “Fofana” du Conseil d’Etat du 10 février 2012 qui, bien que consacrant le droit à l’hébergement d’urgence des personnes sans-abris comme une liberté fondamentale, instaurait toutefois une pondération de la détresse en établissant que ce droit était reconnu à toute personne sans abri qui se trouve en situation de détresse médicale, psychique et sociale ; 

Considérant l’arrêt du 22 décembre 2022 du Conseil d’Etat qui a condamné l’Etat, en raison de sa carence fautive, à indemniser le département du Puy de Dôme qui avait pris en charge les frais d’hébergement en urgence de 102 familles avec enfants entre 2012 et 2016 ;

Considérant notamment le vœu du groupe Les Écologistes, adopté en Conseil de Paris de Juillet 2022, demandant la mise à disposition du domaine intercalaire appartenant à la Ville de Paris.

Ainsi, sur proposition de Nour DURAND-RAUCHER, Aminata NIAKATÉ, Anne SOUYRIS, Fatoumata KONÉ et des élu·es du groupe Les Écologistes, le Conseil de Paris émet le vœu que la Ville de Paris :

  • Interpelle l’Etat pour qu’il cesse, lors des contentieux administratifs, d’opposer les situations d’urgence, d’élaborer une catégorisation de la misère et respecte ses obligations et compétences en la matière ; 
  • Interpelle le rectorat pour qu’il respecte les articles du code de l’éducation portant sur le droit à l’instruction, y compris des mineurs non accompagnés ; 
  • Réquisitionne urgemment les bureaux et logements vacants en prévision de la période hivernale afin de mettre à l’abri les personnes en situation de rue tout en cherchant des solutions pérennes ;
  • Respecte les dispositions de la Convention internationale des droits de l’enfant et fasse vivre la présomption de minorité en mettant à l’abri les mineurs non accompagnés, y compris en contestation de majorité, et ce, par fidélité aux valeurs d’accueil de Paris, par respect de la loi et du droit ; 
  • Respecte la jurisprudence du Conseil d’Etat concernant son obligation d’accueillir et mettre à l’abri les familles à la rue, et spécifiquement les femmes isolées, enceintes et/ou avec des enfants de moins de 3 ans, et ce, sans autre critère d’évaluation sociale ; 
  • Envisage la possibilité d’introduire un recours en carence de l’Etat en remboursement des sommes allouées pour la mise à l’abri des personnes en situation de vulnérabilité ainsi que des présumés mineurs dont la majorité aurait été confirmée à l’issue du recours devant le juge des enfants ; 
  • Participe au plaidoyer national pour des changements législatifs nécessaires à une meilleure prise en charge des mineurs non accompagnés, dont l’inscription de la présomption de minorité.

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